Marina Tsvetaeva

Bibliographie

Marina Tsvetaeva :

(Lien : biographie)
1892 : 26 septembre : naissance de Marina Ivanova Tsvetaeva à Moscou.
1910 : Parution de son premier recueil, L'Album du soir.
1917 : Parution de Verstes.
1925 : S'installe à Paris puis à Meudon (1927) : "ses écrits fâchent le régime soviétique"...
(art-russe.com)
1928 : Sortie à Paris du recueil Après la Russie.
1932 : Essais théoriques sur l'art : L'art à la lumière de la conscience. Lettre à l'Amazone (en français).
1934 : Parution de L'Esprit captif.
1939 : 12 juin : départ pour Moscou avec son fils ; la vie à Paris est alors trop difficile.
1941 : 22 juin : les troupes allemandes franchissent la frontière de l'Union soviétique.
    21 août : Tsvetaeva et son fils sont évacués à Elabouga, en Tatarie.
    31 août : Marina Tsvetaeva se suicide (par pendaison) à l'âge de 49 ans.
"Poète majeur, éprise d’absolu et broyée par l’histoire tragique du XXe siècle"
(art-russe.com)

À Boris Pasternak

(photo WikiPédia)

Dis-tance : des Verstes, des milliers...
On nous a dis-persés, dé-liés,
Pour qu'on se tienne bien : trans-plantés
Sur la terre à deux extrémités.

Dis-tance : des Verstes, des espaces...
On nous a dessoudés, déplacés,
Disjoint les bras — deux crucifixions,
Ne sachant que c'était la fusion

De talents et de tendons noués...
Non désaccordés : déshonorés,
Désordonnés...
Mur et trou de glaise.
Écartés on nous a, tels deux aigles —

Conjurés : des Verstes, des espaces...
Non décomposés : dépaysés.
Aux gîtes perdus de la planète
Déposés — deux orphelins qu'on jette !

Quel mois de mars, non mais quelle date ?!
Nous a défaits, tel un jeu de cartes !

24 mars 1925

Les Yeux



Deux lueurs rouges — non, des miroirs !
Non, deux ennemis !
Deux cratères séraphins.
Deux cercles noirs

Carbonisés — fumant dans les miroirs
Glacés, sur les trottoirs,
Dans les salles infinies —
Deux cercles polaires.

Terrifiants ! Flammes et ténèbres !
Deux trous noirs.
C'est ainsi que les gamins insomniaques
Crient dans les hôpitaux : — Maman !

Peur et reproche, soupir et amen...
Le geste grandiose...
Sur les draps pétrifiés —
Deux gloires noires.

Alors sachez que les fleuves reviennent,
Que les pierres se souviennent !
Qu'encore encore ils se lèvent
Dans les rayons immenses —

Deux soleils, deux cratères,
— Non, deux diamants !
Les miroirs du gouffre souterrain :
Deux yeux de mort.

30 juin 1921.
(Traduction Pierrre Leon et Eve Mallleret)
poème extrait du recueil « Le ciel brûle » (éditions poésie/Gallimard)

Mars


Ô pleurs d'amour, fureur !
D'eux-mêmes — jaillissant !
Ô la Bohême en pleurs !
En Espagne : le sang !

Noir, ô mont qui étend
Son ombre au monde entier !
Au Créateur : grand temps
De rendre mon billet

Refus d'être. De suivre.
Asile des non-gens :
Je refuse d'y vivre
Avec les loups régents

Des rues — hurler : refuse.
Quant aux requins des plaines —
Non ! — Glisser : je refuse —
Le long des dos en chaîne.

Oreilles obstruées,
Et mes yeux voient confus.
À ton monde insensé
Je ne dis que : refus.

15 mars-11 mai 1939.

Sur une feuille...


Sur une feuille vide et lisse
Les lieux, les noms, tous les indices,
Même les dates disparaissent.
Mon âme est née, où donc est-ce ?

Toute maison m'est étrangère,
Pour moi tous les temples sont vides,
Tout m'est égal, me désespère,
Sauf le sorbier d'un sol aride...

Ô larmes des obsèques,
Cris d'amour impuissants !
Dans les pleurs sont les Tchèques,
L'Espagne est dans le sang.

Comme elle est noire et grande,
La foule des malheurs !
Il est temps que je rende
Mon billet au Seigneur.

Dans ce Bedlam des monstres
Ma vie est inutile;
À vivre je renonce
Parmi les loups des villes.

Hurlez, requins des plaines !
Je jette mon fardeau,
Refusant que m'entraîne
Ce grand courant des dos...

Voir... Non, je ne consens,
Écouter... Pas non plus;
À ce monde dément
J'oppose mon refus !

Paris, 15 mars-11 mai 1939
(traduction Véronique Lossky)

Le coup étouffé...


Le coup étouffé sous les années de l'oubli,
Années de l'ignorance.
Le coup qui vous arrive comme un chant de femmes,
Comme un hennissement,

Comme passe un vieux mur le chant passionné -
Le coup qui vous arrive.
Le coup qu'étouffe le fourré silencieux
D'ignorance, d'oubli.

Vice de la mémoire - rien, ni yeux ni nez,
Rien, ni lèvres ni chair.
De tous les jours l'un sans l'autre, nuits l'un sans l'autre,
La terre d'alluvion.

Le coup étouffé, comme de vase couvert.
C'est ainsi que le lierre
Mange le cœur et transforme la vie en ruines...
- Couteau dans l'édredon!

...Le coton des fenêtres bouche les oreilles,
Comme l'autre, au-delà:
De neiges, d'années, de tonnes d'indifférence
Le coup est étouffé...

février 1935
(traduction Elsa Triolet)

Les nuits



Les nuits sans l’être aimé – et les nuits
Avec celui qu’on n’aime pas, et les grandes étoiles
Sur la tête en feu, et les mains,
Tendues vers Celui –
Qui jamais ne fut – et jamais ne sera
Qui ne peut pas être – et doit être
Et la larme de l’enfant sur le héros,
Et la larme du héros sur l’enfant,
Et les grandes montagnes de pierre
Sur la poitrine de celui qui doit – choir…
Je sais tout ce qui fut, tout ce qui sera,
Je sais tout le secret sourd-muet
Qui dans la langue obscure et bredouillante
Des humains se nomme – la Vie.

1918
(traduction E.Amoursky)

Webographie

http://www.russie.net/litterature/tsvetaeva.htm
http://tsvetaeva.free.fr/biblio.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marina_Tsveta%C3%AFeva
http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/tsvetaeva/tsvetaeva.html
http://calounet.pagesperso-orange.fr/presentation_auteurs/tsvetaeva_presentation.htm